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CIRFF - Congrès international des recherches féministes dans la francophonie

Participation du Centre à l'édition 2015 du CIRFF, Congrès international des recherches féministes dans la francophonie (Montréal, 24-28/08/2015)

Organisation et animation d'un colloque international

"Résistances féministes et nouvelles normativités : espaces touchés, milieux mobilisés"

(colloque 418, CIRFF-2015)

Responsable scientifique: David Risse

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Résistances féministes et nouvelles normativités : espaces touchés, milieux mobilisés

Volet 1 : 14-15h30


Anne-Marie Voisard (Cégep de St-Laurent)

« Profaner » le discours du droit : une réappropriation féministe des notions de la justice

Dans l’histoire récente, le recours au droit aura constitué une part non négligeable du répertoire d’action des mouvements féministes. Parallèlement, nombreuses ont été les contributions théoriques visant à lever le voile sur le caractère androcentrique de la norme juridique, ou sur la manière dont le dispositif judiciaire s’allie à d’autres facteurs systémiques pour mieux masquer, légitimer ou reproduire des rapports de domination sexistes. En marge de ces efforts visant alternativement à se saisir du droit dans le cadre de leurs luttes ou à élaborer une critique du droit comme outil de reproduction de la domination masculine, se dessine une troisième voie de résistance féministe, sous la forme d’une certaine désacralisation du discours du droit. « Profaner » le dispositif judiciaire, au sens où l’entend le philosophe Giorgio Agamben, en cela qu’il s’agit de restituer à l’usage commun des femmes ce qui a été saisi et séparé d’elles, ou de contester au droit le monopole des discours sur les notions de la justice. Le vaste mouvement de dénonciation des agressions sexuelles qui a secoué le Québec l’automne dernier nous semble participer de cet effort de « profanation ». En porte-à-faux avec les commentateurs qui l’assimilèrent à une forme de « tribunal populaire » et en reconnaissance du fait que le discours juridique tend à discréditer les discours profanes quant à l’idée de justice, nous soutiendrons que l’une des voies de résistance des mouvements féministes consiste à s’affranchir du discours juridique et à se réapproprier radicalement les notions de « justice », de « responsabilité » et de « réparation » dont le droit les a traditionnellement dépossédées. 


David Risse (UQAM, CReACC-DiversitéS)

L’extimité 2.0 des filles : droits, résistances et normativités

Les amours numériques des jeunes sont mal connues, mal comprises et mal perçues, notamment celles des jeunes filles. Leur extimité internaute est en effet peu éclairée selon leurs propos, selon leurs mots pour dire leur ressenti, selon leurs motivations propres dans leur apprentissage érotique et sexuel à travers les NTIC. Bien que la virtualisation du sexe représente pour certain.e.s auteur.e.s un support de l'intimité sexuelle, voire un outil de subversion érotique, les filles demeurent plus à risque que les garçons dans les espaces virtuels aussi. Mais la représentation sexuelle de soi peut viser l'apprentissage et pas seulement la rencontre amoureuse ou sexuelle. Ainsi la sexualité ne se limite pas à l'intimité, ni la sexualisation virtuelle à la spectacularisation du sexe. Cela dit, montrer « tout », est-ce « tout » dire et qu'est-ce dire de soi, au juste? Cette contribution propose une réflexion éthique critique et compréhensive de l’extimité virtuelle de jeunes filles à partir d’enquêtes québécoises et françaises (Duquet, 2010; Robert, 2012; Goguel d’Allondans, 2005; Léchenet, 2003; Piault, 2014). Il s’agira ensuite de repenser les espaces virtuels anonymes comme des espaces de découverte et d'expression de la diversité des plaisirs érotiques. Enfin, nous montrerons que malgré la production de filles en série, l’injonction à l’extimité précoce et la précocisation de certains comportements sexuels, elles ne sont pas condamnées à un destin de violence. Leur apprentissage de leur pouvoir et de leur diversité érotiques ne peut pas seulement se comprendre au regard de la seule responsabilité sexuelle et affective, mais il implique un accompagnement responsable dans leur socialisation intime : à commencer par plus d’initiatives de promotion des amours égalitaires et de prévention des violences de genre, notamment des violences sexuelles et amoureuses, au curriculum scolaire des écoles.


Isabelle Collet (Université de Genève, Grife-ge)

La « gender panic  theory» à l’école primaire en France

Des enseignant-e-s impuissant-e-s face aux discours normatifs

En France, en janvier 2014, dans la mouvance de la Manif’ pour tous, une campagne de désinformation a été lancée afin de convaincre les parents d’élèves qu’une « théorie-du-genre » était en train de s’infiltrer dans les écoles. La cible de ces attaques était le dispositif des ABCD de l’égalité, un ensemble de fiches pédagogiques destinées à mettre en œuvre des pratiques égalitaires dans les disciplines scolaires. Selon ses opposants, il s’agissait d’une entreprise de prosélytisme homosexuelle assortie d’éducation à la sexualité.

Si ces ABCD de l’égalité, pourtant assez anodins, ont provoqué une telle levée de bouclier dans les milieux conservateurs, c’est parce que pour la première fois, des mesures pour l’égalité devenaient obligatoires à l’école et non plus au bon vouloir des enseignant-e-s.

En plaçant leur lutte sur le terrain de l’école, ces lobbys réactionnaires ont réussi à unir la bourgeoisie catholique traditionnelle avec les populations musulmanes des quartiers dans une même méfiance vis à vis de l’école de la République et de ses représentants : les enseignant-e-s de l’école primaire. Ceux-ci, mal informé-e-s et mal formé-e-s, se sont senti-e-s trahi-e-s par une Institution qui les laissaient démuni-e-s face aux questions des parents d’élèves.

Du côté des Associations féministes actives dans le milieu de l’éducation, les grands espoirs qui étaient nés du projet de « Refondation de l’école de la République » mené par la gauche ont été déçus. Elles en ressortent plus méfiantes que jamais face aux promesses de l’Institution sur l’égalité des sexes à l’école.


Volet 2 : 15h30-17h00


Natachata Chetcuti-Osorovitz (Universités Paris VIII et Paris X, CEAFS/LEGS)

Usages de l’espace public et lesbianisme : sanctions sociales et contournements

Partant d’une enquête sociologique menée entre 2010 et 2012 en France, cette intervention se propose de rendre compte des réactions sociales face à des comportements qui signifient publiquement une relation lesbienne (s’embrasser, se serrer dans les bras, se tenir par la main) dans l’espace public. La notion d’espace public sera ici entendue comme espace d’interactions – dans des quartiers d’habitation, les transports, les lieux investis ou non en fonction de l’identité sexuelle – où les normes de genre et de sexualité sont mises à l’épreuve selon les contrastes de temporalité (diurne et nocturne). L’analyse des réactions sociales face à ces usages de l’espace public sera au centre de l’analyse des pratiques  ainsi mise en lumières.


Lilia Goldfarb (Y des femmes de Montréal, RéQEF)

Capitalisme et pornographisation : le travail auprès des filles dans un nouveau contexte normatif

Au XXIème siècle le phénomène de pornographisation sociale est bien ancré dans le néo-capitalisme. Une des caractéristiques de ce système est la banalisation de la marchandisation des rapports sociaux et de genre. Comment les filles évoluent-elles dans les nouveaux rapports de domination crées dans ce contexte? Comment créer avec elles des espaces sécuritaires  d’expression, d’affirmation de soi et de contestation?


Andréane Brillant-Poirier (Fondation filles d’action, coordonnatrice aux programmes locaux)

Résistance aux inégalités de genre à travers une programmation spécifique aux filles axée sur le renforcement du pouvoir d’agir 

Lors de cette communication, nous présenterons l’approche de la Fondation filles d’action dans sa programmation spécifique aux filles. Depuis vingt ans, Filles d’action travaille avec et pour les filles au Canada, en utilisant une approche féministe intersectionnelle et d’éducation populaire dans ses programmes spécifiques aux filles. Les programmes développés par Filles d’action visent à résister aux discours dominants et inégalitaires sur le genre à travers la promotion du renforcement du pouvoir d’agir et du leadership chez les filles provenant de communautés dites marginalisées, tout en étant inclusif de la diversité des filles et des communautés auxquelles elles appartiennent. Devant toujours répondre à la question « Pourquoi les filles? », nous présenterons des faits sur la nécessité de faire ce travail spécifique aux filles au Canada. Nous partagerons aussi nos apprentissages sur ce type de programmation, et des outils que nous avons développé et que nous utilisons dans nos interventions.


Audrey Jahu (Impactum, fondatrice et formatrice)

Quand le rose tire encore au gris

Les inégalités socio-économiques derrière l’émancipation professionnelle des femmes au Québec

Notre intervention sur la question de l’égalité des femmes dans la société, notamment sur les inégalités socio-économiques derrière l’émancipation professionnelle des femmes au Québec, a été motivée par une préoccupation principale : l’état actuel des pratiques en travail social au Québec.

Malgré les progrès qu'ont amenés les grandes luttes féministes des vingt dernières années, la majorité des femmes sont encore privées des ressources nécessaires pour être accomplies et épanouies dans leur carrière. Tout ceci dans un contexte idéologique où elles reçoivent des messages de plus en plus contradictoires. D'un côté, elles sont incitées à l'expression d'elles-mêmes et à l'affirmation de leur émancipation en milieu professionnel et d'un autre côté, elles se retrouvent confinées aux inégalités patriarcales où elles sont contraintes d'occuper seulement une position subordonnée ou réduite dans leur milieu de travail.

Il est indéniable qu'il existe une opposition sourde ou explicite des hommes à voir les femmes gravir les échelons d'un métier. On explique l’impossibilité de gravir les échelons d'un métier ou d'une profession aux femmes elles-mêmes. « les femmes sont les premières responsables, elles sont les premières à se mettre en situation d’inégalité ».

L'inégalité professionnelle vient de la contradiction entre les images que les sociétés antérieures ont véhiculées des femmes et les situations nouvelles créées par la transformation des structures sociales. Compte tenu de ce fait, nous nous demanderons comment les femmes peuvent-elles se libérer du double standard sexuel, des injustices sociales et économiques que leur impose la société patriarcale, en vue de jouir d'une réelle émancipation professionnelle dans leur carrière.